PlaceholderD' »ABYSSUS » à « PONTOS »

D' »ABYSSUS » à « PONTOS »

Evidemment, pour ceux que la mer effraie – puisqu’ils ne la maîtrisent – la royale formule de Salomon « ABYSSUS ABYSSUM INVOCAT » semble une lapalissade. L’abîme appelle l’abîme, la mer appelle la mer; et la peur aussi, et la mort aussi.

Les Phéniciens, quant à eux, excellents navigateurs antiques s’il en fut, surent courageusement affronter l’abîme, la mer, et sans doute le reste. Ce peuple, qui selon Pline, a eu l’insigne honneur d’avoir inventé les lettres de l’alphabet, navigua, si j’ose dire, d' »abyssus » à « Pontos » Pontos, fils de Gaïa – la terre – est le dieu des flots. Cette fois désigné, ce terrifiant et fascinant abîme devient comme domestiqué, maîtrisé. Et même durant la nuit, les Phéniciens pouvaient, grâce à l’étoile nommée » petite Ourse », s’y déplacer, alors que la boussole n’était inventée.

Longtemps furent gardés les secrets de navigation phéniciens; mais à leur suite, le passage d' »abyssus » à « Pontos » peut désormais être emprunté. Il en est qui affrontent avec bravoure la peur et hardiesse la mort. Il en est même un qui marcha sur la mer, triomphant ainsi de la masse sombre des eaux et de la mort: omnia vincit Amor .

Maître Conscience – connu pour son grand art et son thé réputé – n’a-t-il pas voulu, par le truisme « ABYSSUS ABYSSUM INVOCAT » nous faire passer d' »abyssus » à « Pontos » ? Je veux dire, n’a-t-il pas voulu nous faire saisir, et lui avec nous, qu’au-delà de cette vague mer, qu’au-delà de ce sombre abîme angoissant, il est une réalité supérieure d’où peut jaillir la lumière, la connaissance, la conscience ? Lux fiat ! Nunc est vivendum.

Je félicite la remarquable entreprise du Maître, vir bonus, dicendi peritus. Toujours juste et précis, son ouvrage encore une fois exhibe la pensée qui se masque sous les traits de l’humour. Tout deux sont comme un pont qui invitent au passage.

 

Romain CARDUS. 2008