Placeholder« PAS D’AVENIR SANS PASSE… »

« PAS D’AVENIR SANS PASSE… »

pas d’avenir sans passéc’est maintenant qu’il faut mourirc’est maintenant qu’il faut trembler,  c’est maintenant qu’il faut vivre

L’installation murale typographique de Jérôme Conscience consiste en quatre locutions  réalisées en lettres majuscules, autocollantes, couleur or et fuchsia, ponctuant les murs des espaces d’exposition. Par ces phrases graves à consonance lithanique, l’artiste réagit à deux présences fortes, la chapelle Notre-Dame-du-Haut du Corbusier et le couvent des Clarisses en construction de Renzo Piano, qui surplombant Ronchamp embrassent la petite ville. Ses affirmations autoritaires font, aussi, écho à l’injonction destinée, auparavant, aux employées de la filature, récupérée en tant que titre de cette exposition. Ce faisant, Jérôme Conscience pousse les limites de ses recherches sur le langage, le corps, l’interprétation et les rapports se nouant entre ces éléments.

Dans la trace laissée par la pensée de Marcel Duchamps qu’un artiste est capable de repenser le monde et redonner du sens par le langage, Jérôme Conscience travaille la sémiologie de la signification, la sonorité et la plasticité des mots, tel Mallarmé, tout en questionnant leur rapport au corps et à l’image. La simplicité formelle de la police Futura Light et de leur fonds toujours blancs et lisses place les mots dans une tension entre le sensible et le désincarné, tension prolongée par les objets souvent utilisés dans ses installations (lit, tabouret, grenouillère, prie-dieux, miroirs, escarpins, culottes, nuisettes, guêpières) oscillant subtilement entre érotisme et spiritualité. Pour Défense de nettoyer en marche, en invoquant les notions de vie, de mort, du passé et de l’avenir, en tonnant le « maintenant » comme l’unique temps pour vivre, trembler et mourir, l’artiste aplatit la temporalité et questionne l’autorité dans un moment social d’une fragilité exceptionnelle ainsi que, dans la lignée de Barthes, la notion d’auteur, la position de l’artiste. Ses statements au rythme martial acquièrent une dimension lyrique par la répétition et les variations à la fois subtiles et aiguës. Le sensible y est indifférencié du sens, tout comme le politique est imbriqué dans le personnel. Jérôme Conscience cherche à s’ouvrir par l’effet miroir : la multiplication, la mise en abîme, l’inversion, la création d’images, le dédoublement.

 

Sandra Černjul